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Le texte suivant est extrait de la préface du roman " la fille des carrières " (edition l’harmattan 116 rue des écoles 75005) de Claustrophile. Je le reproduis ici car il explique l’esprit de la cataphilie.

" La beauté du site n'est certainement pas la motivation la plus courante pour descendre en carrière. Chacun de ces passionnés (le mot est faible) y trouve son compte : dépaysement (mis à part la dégradation des lieux : tags et détritus), les carrières de Paris n'ont, contrairement à la ville, pas évolué depuis un à deux siècles et y pénétrer représente, en ce sens, un voyage dans le temps. Le dépaysement peut être tel que l'on y oublie le temps et la vie quotidienne. On y est nulle part, ou au Sud de nulle part pour reprendre la formule d'une cataphile. Trouver un dépaysement d'une telle intensité à une heure, voire à quelques minutes de chez soi, c'est comme pouvoir partir complètement en vacances une nuit de la semaine. Voilà pour ce merveilleux espace de néant.

La sécurité est aussi un élément appréciable. Demandez aux cataphiles ce qu'ils craignent de rencontrer, nombre d'entre eux citeront la police avant les skinheads. Aux heures où les gens descendent (la nuit), on est certainement plus en sécurité dans les carrières que dans la rue. Cette sécurité est étrange : descendre par un puits et en refermer le tampon d'accès donne immédiatement le sentiment d'être à l'abri, hors de portée de tout ce qui pourrait nous "agresser" (police, délinquants, citoyens en mal de justice, froid ou chaud, bruit, lumière…). D'aucuns attribuent ainsi aux carrières un caractère de matrice, le mot ayant une consonance féminine voire maternelle.

Venons-en à une motivation couramment rencontrée : la liberté. Bien qu'elle y commence où finit celle des autres, elle est presque absolue, en tous cas inégalable en surface, ce qui pourrait choquer par rapport au côté physiquement restreint des lieux. Se créer un personnage au travers d'un pseudonyme et de la légende que l'on y associe, raconter des histoires ou dessiner (par le biais des "tracts", feuilles de papier généralement signées d'un pseudonyme et que l'on illustre comme on veut), tout cela se fait sans aucune limite, sans aucune norme ou contrainte sociale. Ainsi, beaucoup de tracts font sourire ou intéressent en dessous mais seraient jugés démentiels en surface par les non-initiés. Une idée, un tract. On le dépose ou on le distribue de la main à la main, tout cela "dans le noir" à l'abri des regards. Aucune contrainte, aucun jugement, pas de limites, tant que tout reste globalement souterrain, tant par la diffusion que le contenu.

Nombreux sont ceux qui se sont ainsi réellement créé un personnage, évoluant dans une deuxième vie que l'on se dessine soi-même selon ses désirs. Ne cataloguons pas pour autant tous les cataphiles comme des anarchistes ou des gens mal dans leur peau. Non : les cataphiles sont créatifs, libres, généralement sociables et les pratiques de cette société secrète sans embrigadement et sans contrainte sont un catalyseur de création et d'épanouissement personnel. Les cataphiles entre eux, en surface, sont complices, incisifs, et beaucoup se confient même intimement en tombant les barrières créées par le regard des autres, parfois en ne parlant même pas du tout des carrières. Des sympathies cataphiles naissent souvent de solides amitiés de surface, peut-être simplement parce que les lieux se prêtent à se connaître très facilement et à se tourner vers des gens qui, en se dévoilant tels qu'ils sont réellement, nous ont séduits de façon authentique. Là est l'une des vertus cataphiles : dans l'aspect ludique, la mise en scène, la douceur ou la violence affichée se trouve pourtant une authenticité des personnages que l'on doit généralement masquer en surface, pour des raisons sociales ou professionnelles. En dessous, le manoeuvre peut devenir "catastar" ou chef de clan, le cadre strict peut s'afficher dans toute sa folie, le déprimé rire en oubliant tout et le désoeuvré passer gratuitement un bon moment à ne rien faire sans s'ennuyer. Le rebelle passera une nuit à braver les interdits (la descente relève d'une contravention aussi grave qu'un stationnement gênant qui est pourtant socialement mieux perçu), l'explorateur partira seul arpenter les galeries pendant des heures, le poète onirique se noyera dans son jardin secret, le farceur enfumera les autres à l'aide de fumigènes artisanaux, le violent tentera d'impressionner les autres, le "cool" fera tourner son cône ou sa canette de bière et le bon vivant ouvrira sa bouteille de vin pour accompagner sa salade de gésiers préparée sur place. Chacun s'y crée une place. Naturellement. Les cataphiles une fois intégrés à cette société ne se distinguent plus que par leur valeur personnelle. La "hiérarchisation" si l'on ose prononcer le mot, s'y fait de façon implicite. Il sera plus légitime de critiquer un "touriste" qu'un ancien qui descend depuis dix ans.

Alors, diront certains, tout pour les catas (K-tas), oubliée la surface ? Cela arrive, ce peut être dramatique. Les carrières ne font pas toujours que du bien, elles peuvent être une drogue dure mais sans déchéance physique. Il faut trouver ses propres limites. Mais se créer une deuxième vie n'implique pas nécessairement de sacrifier celle de la surface, la principale en théorie, en laissant les carrières envahir ses pensées. Souvent elle s'y additionne et c'est là un supplément inestimable de vécu, une part de réalisation personnelle qui peut être bénéfique, tant par l'insouciance que par la confiance en soi et la désinhibition que l'on peut y trouver. Nombre de cataphiles qui "arrêtent de descendre" ne renient pas leur passé et l'acquis personnel qui y est attaché. " Claustrophile


Dédicace à Benjam, glops, Zanka, vax, dash, gontrand, az, axan, tomy,fêtard, limkha, actarus, néo, les ktagones.

Remontez vos ordures. Soyez discret en descendant. Tract à superflux n° 11. Posé le /02/2000. n° / 21