Image7.gif (10497 octets) Le Tract à Superflux  Image8.gif (3654 octets)

 

l’appel de la carrière

 

La descente dans le XIV tournait à sa fin. Epuisé par nos explorations souterraines nous regagnons heureux mais fatigué la sortie. Après un bref arrêt dans la salle en bas de l’escalier, le groupe se leva pour le gravir. Je demeurais quelques instants seuls, profitant du calme de la pénombre après une nuit si agitée. C’est alors que surgit, sans que je l’aie entendu approcher, une fille portant à son cou un collier de cyalumes verts. Elle me demanda sans préambule " Tu connais la salle du bélier ? ". Comme justement on en venait je lui proposais de l’indiquer sur un plan. " Non je n’en ai pas, emmène moi plutôt ".

 

Je la considérais gravement, sans doute plus que la situation ne le réclamait. C’est devant ma mine soucieuse qu’elle éclata de rire. " Je ne vais pas te manger " C’est ce rire cristallin et de la soudaineté de son apparition qui m’a décidé à la guider. Je hurlais à mes amis déjà engagés dans la chatière de sortie, quelques mots qui les inquiétèrent plus qu’autre chose. Sans attendre leur réponse je partis, la fille sur mes talons dans le passage bas ramenant au boulevard brune. Je courrai presque pour abréger le calvaire de mon grand corps cassé en deux alors que la fille déplaçait avec agilité son gabarit adapté à la galerie. Parvenu à la galerie de câble, je m’étirais tout en observant ma compagne.

 

Son collier de lumière renvoyait une lumière irréelle sur son visage diaphane. De longues boucles d’ébène tombaient sur ses épaules. Derrière son nez retroussé se cachait ses yeux de jade. D’un noir si profond que je ressentais comme du vertige à les contempler. Tout de noir vêtu, elle semblait parfaitement à l’aise dans son milieu. Sans échanger un mot nous reprîmes la marche.

 

Dans la dernière ligne droite, elle ne tenait plus en place et me doubla sans crier gare. Je laissais tomber ma lampe quand elle me bouscula, le temps de la ramasser la fille avait disparue. Je voulus l’appeler mais je ne connaissais même pas son nom. Indécis je me préparais à revenir vers la sortie lorsque j’entendis un chant, comme un appel. Il était mélodieux et très aigu. Et plus je me concentrai sur ce son plus je me sentais tout emplit par lui. Ce chant m’ensorcelait mais je n’en avait pas conscience. J’atteignais un haut niveau de plénitude. Cela semblait provenir de la galerie du bélier. Je m’y engageais comme hypnotisé.

 

La salle du bélier était vide mais le chant repris et il m’attira vers la galerie du Viandox. Je n’ai pas eu conscience immédiatement qu’elle était inondée. Ce n’est que lorsque l’eau m’est arrivée au-dessus des bottes que j’ai aperçu l’eau et les milliers de petits points lumineux qui l’habitait. Ces poussières d’étoiles majestueuses de toutes les couleurs se déplaçant majestueusement au grés de mes mouvements. Elles semblaient nager autour de moi. Et toujours ce chant de sirène m’attirait plus loin.

 

Parvenu à l’ossuaire du Viandox une très légère brume emplissait la pièce. J’éteignis ma lampe pour contempler les milliers de points lumineux qui constellait les murs. Le chant se faisait encore plus présent, il semblait provenir d’une longue chatière d’ossements. Je me suis arrêté à son entrée, partagé entre le désir de retrouver la fille et la prudence qui me dictait de revenir vers la sortie. C’est la raison qui finalement l’a emporté, le charme qui me retenait s’est brisé. Le chant c’est tu dès que j’ai tourné les talons.

 

Je ressortais à l’air libre au petit matin. La ville de surface reprenait vie. Le chant de la carrière emplissait encore mes pensées et je savais que bientôt, irrésistiblement attiré, je répondrais encore à l’appel de la carrière.

Superflux

 


 

Déd. à Dash, Vax, Globe, Konogan, Zanka, Béa, Crapaudine, David, Alain & Nimol, et spéciale déd. pour Cynthia la fille des carrières.

Remontez vos ordures. Soyez discret en descendant.

Tract à superflux n° 10. Posé le / / 2000. n° / 34