Rêve de Carrière
Cette nuit, jai eu un rêve. Cétait un rêve étrange, teinté de ce voile impalpable dont se pare lirréel. Jerre seul dans les catacombes. Or en temps normal, je ne descends jamais en solitaire, préférant la compagnie bruyante de quelques compagnons de carrière. Ma lampe orpheline éclaire des murs vides qui ne renvoient plus lécho de rires bruyants. Mes pas ne produisent quun son étouffé, la carrière semble vidée de sa substance. Comme si on lui avait retirée son âme.
Je ne croise personne. Dans aucune salle, dans aucune galerie je ne retrouve de cataphiles. Je naperçois pas de traces récentes de passages. Cela maurais même rassuré de voir les déchets qui souillent dordinaire les passages fréquentés. Même en cela il ny a rien de récent, rien qui aurait pu me permettre daffirmer quon ma précédé dans un passé proche.
Jai limpression de traverser une carrière fantôme. On semble avoir abandonné précipitamment ces lieux pour ne plus jamais y retourner. Plus je parcours les galeries et plus mon sentiment de solitude sen trouve renforcé. Devant moi un désert de ténèbres se déroule sans fin. Comme pour me dire adieu, les catacombes annihilent toute trace de vie exceptée la mienne.
Mes pas me guident instinctivement vers le nord du réseau. Je passe sans m'arrêter devant la chatière d'accès au Bunker et quelques mètres plus loin je pénètre dans une petite salle. Sur le mur du fond, les couches de calcaire dessinent une palette irisée. En face d'un puît, un petit rocher rond semble inviter à s'asseoir. Au-dessus de ce trône, mon regard est attiré par l'éclat blanc d'une faille.
J'extrais un tract soigneusement plié en quatre. C'est une photo sur papier glacé qui me renvoie un portrait saisissant du commandant Saratte. Photographe et policier sont situés de part et dautre de la chatière daccès au Bunker. Les bras croisés, le casque vissé sur une tête volumineuse, la chatière crée un cadre de pierre autour de sa silhouette imposante. Les sourcils longilignes soulignent un regard accusateur. Du fond de cette chatière, le policier reproche au cataphile sa présence en ce lieu interdit.
Mais sous de faux airs sévères se cache un bouda placide qui, loin de réprimer, préfère distiller ces nombreuses recommandations. Un instant, jai limpression que limage va sanimer et prononcer des noms de maladies imaginaires. Un Blason que je connais trop bien, celui de l'ERIC, orne la photo. Sur ce tract, une unique interrogation demande "Partira ? Partira pas?".
Je me dirige de nouveau vers le nord lorsque je sens un courant d'air frais. Je grimpe un escalier et passe devant une inscription à moitié effacé " Bonne nuit Mr S..." Le nom a disparu, bientôt un autre prendra la place. Je traverse le couloir qui mène au monde extérieur et referme la lourde porte sur ma carrière.
Devant le commissariat saint Sulpice, ma voiture m'attend. Je place mon équipement dans le capharnaüm du coffre lorsque le gardien en faction m'interpelle : "Alors Monsieur Saratte c'est pour cette année la retraite" Je réponds l'air sibyllin "J'hésite énormément. Cela ferait trop plaisir à certains... A bien y réfléchir, je crois que je vais rester encore un peu".
Superflux
Dédicace à Zanka, Globe, Dash, Vax, Azael, Axan, H20, les ktagones. Spéciale dédicace pour le commandant : Le temps passe, la carrière efface nos traces, mais au cur de la mémoire cataphile, le souvenir demeure
Remontez vos ordures. Soyez discret en descendant. Dites non à la leptocirose.
. Spécial tractofolie IVTract à Superflux n° 13. Posé le 10 juin 2000. n° / 36